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Affiche ancienne originale de l'exposition coloniale internationale de 1931, illustrée par Victor Jean Desmeures.
Depuis les années 1890, la constitution de l’empire colonial français ne rencontre plus de résistance dans l’opinion. Des manifestations régulières, telles les Expositions universelles, évoquent les possessions d’outre-mer. Bientôt naît l’idée de leur consacrer des expositions spécifiques. Les premières ont lieu à Marseille en 1906 et 1922.
En 1931 se tient à Vincennes l’Exposition coloniale internationale. Comme les précédentes, elle se présente comme un « magnifique livre d’images » destiné à célébrer les vertus du commerce colonial.
Desmeures a placé au centre de l’affiche quatre représentants du monde tel qu’il peut être parcouru en quelques heures par les visiteurs. Ces silhouettes rappellent l’iconographie ancienne des « quatre parties du monde ». On note le caractère anonyme des figures, réduites à des stéréotypes facilement identifiables : raffinement de l’Asie, caractère « primitif » du Noir et de l’Indien, élégance du Nord-Africain. Il est frappant de relever la présence d’un Indien d’Amérique, continent sans rapport avec l’empire colonial français. L’Océanie en est absente bien que la France possède Tahiti et la Nouvelle-Calédonie depuis le XIXe siècle. Ce sont donc les colonies les plus fortes symboliquement qui sont montrées.
Le costume de l’Asiatique renvoie aux robes des « lettrés » chinois, présentes dans les images depuis le XIXe siècle, signe d’un degré de civilisation avancé. Le visage dissimulé par un turban, le Nord-Africain est aussi conforme aux illustrations du XIXe siècle, évoquant le tempérament réputé « mystérieux », « rusé », voire « fourbe » des Maghrébins. Sa position dominante dans l’image traduit les conceptions anthropologiques des années 30, qui assimilent les Africains du Nord à la race blanche et leur confèrent une supériorité sur les autres peuples colonisés. Elle tient également au fait que l’Algérie française, dont on a célébré avec faste le centenaire un an auparavant, est un département, la Tunisie et le Maroc n’étant que des protectorats. En comparaison, l’Indien et le Noir présentent un dénuement frappant, à rapprocher du statut de l’Afrique-Equatoriale française, terre coloniale.
A l’arrière-plan on distingue deux pavillons. A droite, le temple d’Angkor Vat, présent dans les expositions depuis 1889, légitime la présence française en Asie, considérée comme l’héritière de la civilisation khmère que la paix française réhabilite. A gauche, la silhouette d’un minaret surmonté du drapeau tricolore illustre la vision d’un Maghreb français, cher au maréchal Lyautey.
Le succès que remportera l’Exposition coloniale est contenu dans cette affiche promettant « le tour du monde en un jour ». Elle rassure le visiteur sur l’état de l’empire placé sous la bannière protectrice et civilisatrice d’une France qui peut affirmer universellement ses valeurs.
A la même époque, la publicité recourt aux mêmes représentations et reprend le discours dominant malgré quelques oppositions, comme l’exposition La Vérité sur les colonies des surréalistes et des communistes en 1925.
Même si elle ne résume pas, à elle seule, la situation de la fin du colonialisme en France, l’affiche de Desmeures est donc très représentative du rôle propagandiste joué par les images à cette époque.
Texte de Stéphanie Cabanne publié en avril 2008
Source : www.histoire-image.org
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